CHAPITRE XIX
Les octopodes impériaux approchaient de la grotte abritant la forteresse. Les premiers n’étaient plus qu’à quelques mètres de la porte blindée.
Dans la salle de contrôle, Winter suivait la progression verticale de l’ennemi. Les étranges véhicules d’assaut avaient atteint la première ligne de défense de son refuge.
En concevant le « plan Anoth », l’amiral Ackbar et Luke Skywalker avaient refusé de se fier exclusivement au secret. Ils s’étaient donc attachés à prévoir tous les scénarios possibles. Winter avait espéré ne jamais devoir tester l’efficacité des systèmes de défense ; à présent, elle allait se battre pour sa vie… et celle d’Anakin.
Elle baissa les yeux sur un écran de contrôle. Le dispositif anti intrus, le DAI, était prêt à attaquer en mode automatique. Selon toute probabilité, il la débarrasserait d’au moins deux octopodes.
Winter regarda de tous ses yeux, s’appuyant à la console de commande pour ne pas perdre l’équilibre.
Les octopodes venaient d’atteindre une zone semée de minuscules cavernes, dont les entrées, très étroites, constellaient le sol.
Les deux premiers octopodes, ignorant le danger, passèrent à toute vitesse. Sans doute pour éprouver sa résistance, ils tirèrent quelques courtes rafales sur la plaque de blindage de la porte.
Soudain, des dizaines de tentacules, semblables à des lanières de fouet, jaillirent des trous, prenant l’ennemi par surprise.
Les longs « bras » du DAI s’enroulèrent autour du premier octopode et le décrochèrent de la paroi. Avant que l’engin ait pu utiliser ses griffes pneumatiques pour agripper de nouveau le roc, le dispositif le lâcha.
Il bascula dans le vide, entraînant au passage un autre assaillant.
Au pied de la falaise, les deux appareils explosèrent.
Le DAI, un droïd semi-organique, était décidément au point. Mais s’il avait réussi à vaincre deux adversaires, les six restants auraient à coup sûr raison de lui.
L’amiral Ackbar était à l’origine de ce concept défensif inspiré du krakana, un monstre de sa planète natale. Les scientifiques calamariens s’étaient chargés de la fabrication du DAI. Proche d’un être vivant sur bien des points, le droïd se concentrait exclusivement sur la défense de la base. Ses tentacules, en plastacier super-résistant étaient déjà à la recherche d’une nouvelle proie.
Cinq octopodes impériaux, comprenant où était le problème, avaient entrepris de tirer à l’aveuglette dans les trous. Le DAI s’empara du sixième – qui continuait à canarder la porte – et l’utilisa comme un bouclier.
Winter admira la manœuvre. Le DAI allait forcer les commandos à détruire un de leurs véhicules.
Les Impériaux ne cessèrent pas le feu. Au combat, ils considéraient leurs camarades comme des entités sacrifiables, pourvu qu’ils en retirent quelque avantage.
L’octopode prisonnier du DAI explosa. Ce fut le chant du cygne du dispositif de défense, car les cinq véhicules survivants, unissant leur feu, parvinrent à le toucher à mort.
L’onde de choc, quand il explosa, ébranla la montagne. Sur l’écran de contrôle, l’icône du DAI s’éteignit.
– Tu t’es bien battu, mon vieux, murmura Winter. Adieu.
Les octopodes s’attaquaient déjà à la porte. Tôt ou tard, le blindage céderait.
La protectrice du petit Anakin savait ce qu’il lui restait à faire. Après avoir activé le deuxième dispositif de défense, elle sortit de la salle et partit au pas de course.
Ce serait juste, mais elle y arriverait…
Le Vendetta était toujours en orbite autour d’Anoth. Le colonel Ardax écoutait attentivement le rapport du chef de l’équipe d’assaut.
– Nous avons pu défoncer les portes, colonel, dit une voix dans son oreillette. Les pertes sont lourdes. Les défenses des Rebelles sont supérieures à nos estimations. Ce sera plus long que prévu, mais le bébé Jedi tombera quand même entre nos mains.
– Tenez-moi informé, lieutenant. Dès que l’enfant sera votre prisonnier, nous viendrons vous récupérer. (Il se tut un instant.) L’ambassadeur Furgan est-il tombé au champ d’honneur ?
– Négatif, monsieur. Il était à l’arrière, où il n’a pas couru de véritable danger.
– Quel dommage ! murmura Ardax après avoir coupé la communication.
Il regardait le planétoïde triple quand une alarme clignota sur l’écran principal.
– Que se passe-t-il ?
Un lieutenant se tourna vers le fauteuil de commandement, la mine cendreuse.
– Monsieur, un navire ennemi vient de sortir de l’hyperespace. Son armement est largement supérieur au nôtre.
– Préparez-vous à quitter les lieux, dit Ardax. Il semble que nous ayons été trahis…
Il serra les poings. Ce maudit Furgan avait dû vendre leurs plans à un espion rebelle.
Une image s’afficha sur l’écran des communications. Ardax reconnut un de ces foutus hommes-poissons… Oui, un Calamarien !
– Ici l’amiral Ackbar, commandant du Voyageur. Rendez-vous et préparez-vous à être abordés. Si vous détenez des otages, ils devront nous être rendus sans avoir subis de violences.
– Vous lui parlez, colonel ? demanda l’officier des communications.
– Le silence sera une réponse suffisante. Pour l’heure, notre seul objectif est la survie. L’unité d’assaut ne peut plus être sauvée. Dirigez le navire vers les trois fragments planétaires. Les perturbations électriques devraient empêcher leurs senseurs de nous repérer. En manœuvrant bien, nous pourrons plonger dans l’hyperespace. Boucliers au maximum.
– Compris, monsieur.
– Pilote, pleine vitesse !
Le Vendetta partit comme une flèche en direction de la planète triple. Les Rebelles ouvrirent le feu, secouant rudement le vieux navire.
– Leur puissance de feu est supérieure, monsieur, mais ils ne tirent pas pour nous détruire…
Ardax leva un sourcil.
– Ah, bien sûr… Ils pensent que nous avons l’enfant… Inutile de les détromper.
Le Vendetta continua sa course.
Leia serrait de toutes ses forces l’accoudoir du fauteuil d’Ackbar. Debout près du Calamarien, elle ne perdait pas une miette de l’action.
L’Impérial tentait de s’échapper.
– Ils pensent que vous bluffez…
– Il est vrai qu’ils ne répondent pas, admit Ackbar.
– Ils ne répondront jamais, dit Terpfen. S’ils ont déjà l’enfant, rien ne les retient plus ici. Ils n’affronteront pas un ennemi plus puissant.
Leia eut quelque peine à avaler sa salive. Elle savait que le Calamarien avait raison.
– Si c’est comme ça, il ne faut pas les laisser partir, dit Ackbar.
Tout au long du voyage, l’ancien amiral s’était ostensiblement tenu près de Terpfen. Pour former l’équipe de secours, on avait sélectionné l’élite des Calamariens occupés à renflouer Corail City. Depuis qu’ils avaient quitté Mon Calamari, Ackbar n’avait pas fait allusion à la trahison de Terpfen.
Les deux hommes-poissons s’affrontaient en silence, car leur conception de l’honneur divergeait quelque peu. Apprenant les malheurs de Terpfen, Ackbar l’avait immédiatement assuré de sa compréhension. Lui-même avait jadis été prisonnier de l’Empire. Au lieu d’être programmé pour devenir un espion et un saboteur, il s’était retrouvé, contre sa volonté, agent de liaison au service du Grand Moff Tarkin. Si pénible que cette époque ait été, l’amiral avait tiré parti de cette expérience lors de l’attaque de Daala sur sa planète natale.
Fort de cela, il encourageait Terpfen à retourner ses souffrances contre l’Empire.
Pour l’instant, le « repenti » était plutôt enclin à pleurer sur son sort.
Sur l’écran de contrôle, Leia vit le navire impérial allumer ses moteurs d’hyperdrive. Fermant les yeux, la jeune femme tenta de projeter son esprit le plus loin possible pour toucher celui de son fils et le réconforter.
Elle entra en contact avec le bébé, mais elle eût été bien incapable de dire où il se trouvait. Sur le vaisseau ennemi, ou dans la base, elle n’en savait rien.
– Tirs à demi-puissance, dit Ackbar. Il faut juste les empêcher d’entrer dans l’hyperespace.
Les décharges de canons-blasters firent mouche, secouant l’impérial, qui continua pourtant d’accélérer.
– Il cherche refuge entre les deux plus gros fragments ! cria Leia.
Terpfen se pencha en avant, ses yeux globuleux exorbités par la concentration.
– Ils essayent d’échapper à nos senseurs, dit-il. Avec tous ces orages ioniques, ils ont une bonne chance de réussir. Alors ils plongeront dans l’hyperespace.
Leia prit une grande inspiration pour lutter contre l’anxiété. S’ils n’avaient pas eu Anakin, les Impériaux n’auraient sûrement pas fui de cette manière.
Une nouvelle fois, elle essaya de déterminer où était le nourrisson. Si seulement ils avaient pu contacter Winter par radio ! Hélas, Ackbar ne connaissait que le tiers du code d’identification d’urgence, sans lequel la gardienne du petit refuserait de répondre.
Un luxe de précautions qui se révélait désastreux !
– Vitesse maximale ! dit Ackbar. Il faut les arrêter avant qu’ils n’entrent dans la zone de perturbation. (Il s’éclaircit la gorge.) Vaisseau impérial, rendez-vous !
Le capitaine ennemi garda le silence.
– Continuez à tirer, et augmentez la puissance !
Une salve plus dévastatrice parvint à percer les boucliers du vaisseau impérial.
– Je crois que nous avons porté un rude coup à leurs moteurs auxiliaires, annonça un lieutenant.
Même blessé, l’ennemi continuait à filer comme une flèche.
– Non ! cria Leia. Ne les laissez pas partir avec Anakin !
Mais il semblait impossible d’intervenir, sauf à détruire le navire…
Leia ferma les yeux et se concentra plus que jamais. Si elle parvenait à établir un lien mental avec son fils, peut-être aurait-elle une chance minuscule de suivre sa piste quand l’ennemi serait passé dans l’hyperespace.
Elle entra en contact avec plusieurs occupants du vaisseau impérial, mais ne sentit nulle part, si faible fût-elle, l’aura de son fils, ou de son amie de toujours, la fidèle Winter.
Sur l’écran, l’image du navire ennemi commença à scintiller.
– S’ils continuent comme ça, dit Terpfen, ils vont exploser. Leurs moteurs sont trop touchés pour…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Devenu une boule de feu, le navire ennemi illumina un bref instant l’espace.
Ackbar laissa échapper un petit cri. Pour qui connaissait les Calamariens, c’était une réaction hautement émotionnelle. Terpfen, lui, ne parvenait plus à tenir en place dans son siège.
Seule Leia semblait indifférente au drame. En réalité, son esprit sondait l’espace, cherchant désespérément le point lumineux qui était Anakin, son fils.
Terpfen se leva comme s’il était en partance pour le peloton d’exécution.
– Ministre Organa Solo, si le pire est arrivé, un seul châtiment sera à la hauteur de mon crime.
Décidément, le bougre adorait culpabiliser.
Leia secoua la tête.
– Il n’y aura pas de châtiment, Terpfen. Mon fils est toujours vivant, sur la planète. Mais il court un grave danger. Il faut intervenir sans tarder !